Comment le projet de design et l’image-média peuvent-ils amener à réfléchir sur le monde contemporain et notre environnement ?
À partir de l’analyse d’une œuvre présente dans l’exposition « Allures » organisée par le Frac Centre d’Orléans, développement par les étudiants de Master 1 « Design & environnements » et « Arts & médias numériques » d’une proposition de design critique et design fiction mettant en question le concept d’indétermination.
L’indéterminé
« Lieu de la production de formes définies, le design peut aussi s’attacher à créer des formes floues, des dispositifs inachevés, en devenir, qui ne sont pas totalement arrêtés. Si le mot design renvoie au disegno, au dessin, deux types de formes au moins peuvent être à l’oeuvre : un dessin défini qui peut évoquer le contour ou la lisière albertienne d’une part, et un dessin plus imprécis ou vaporeux, d’autre part, le sfumato de Vinci par exemple.
L’allure est ambivalente car elle renvoie aussi bien au déplacement d’une forme dans l’espace et dans le temps, qu’aux formes et à l’aspect. Lorsque la forme se déplace, elle perd de sa netteté. La photographie révèle les traces de l’objet mobile grâce à un long temps de pause ; les artistes du futurisme ont par ailleurs traduit les mouvements et la vitesse occasionnant des formes graphiques et picturales vibrantes et oscillantes.
La vision surplombante et mobile peut également faire écho à l’emblème d’Alberti, l’oeil ailé (l’Oculus alatus). C’est alors l’oeil flamboyant, l’oeil qui transperce, l’oeil qui voit à travers (d’où le terme « perspective », « qui voit à travers ») qui peut être évoqué. Mais cet oeil en mouvement, qui se déplace, est aussi potentiellement un oeil tout puissant qui voit tout, un oeil surplombant, un regard inquiétant qui scrute vue d’en haut, celui perçant de l’aigle plongeant sur sa cible.
Formes nettes ou formes ouvertes à l’indéterminé ; comment les designers et architectes parviennent-ils à intégrer des paramètres qui peuvent influencer le résultat obtenu ? L’idée n’est pas alors pour eux d’arrêter une forme, de la paramétrer entièrement, mais d’intégrer dans le processus de conception et de formalisation de l’indéterminé, soit par le biais de la matière, soit par des paramètres extérieurs aléatoires, variables et changeants (le vent, la mousse, le vivant, etc.). Quelle allure prend le design ? Quelles tournures prennent ses formes ? Quelles sont les manifestations pour lesquels de l’indéterminé est à l’oeuvre ? Mettre en place les conditions de formes non arrêtés, évolutives, en devenir, tel peut-être l’enjeu aujourd’hui d’un design numérique pour lequel le calcul ne fige pas la forme mais la déploie. »
Sophie Fetro