Éclosions sensibles. (Dis)parutions en Design, Arts, Médias est l’exposition des étudiants du Master 2 « Design Arts, Médias » de l’École des Arts de la Sorbonne. Cette exposition correspond à la présentation de leurs projets de fin d’étude associés à leurs mémoires de recherche menés durant l’année 2024-2025.
Éditorial :
Éclore : verbe trop peu usité, dont la rareté accentue la délicatesse. Provenant de excludere, il signifie « faire sortir », mais aussi « repousser ». Il désigne ce moment fragile où quelque chose s’ouvre, timidement mais irréversiblement. L’éclosion révèle le passage de l’ombre à la forme. Ce mot donne son rythme à l’exposition : celle d’idées, de gestes ou de récits en train d’apparaître.
Cette exposition est le fruit d’un rassemblement collectif, née de projets, de regards croisés, d’élans communs entre étudiant.e.s du Master 2 Design, Arts, Médias. Le but est de créer un espace d’expérimentation et de dialogue en convoquant le sensible, les récits et les formes. « Éclosions » désigne ainsi la matérialisation de ces idées, tandis que « sensibles » rappelle qu’elles ne s’expliquent pas toujours, mais qu’elles se ressentent, s’éprouvent, s’intègrent au vécu.
L’imaginaire tient une place centrale dans cette démarche. Il surgit d’un relevé, d’un geste familier qui devient matière à réinvention, réparation. Cette perception du réel, souvent subjective, se trouve déformée, déplacée par les pensées de chacun.e. Créer, ici, c’est faire dialoguer l’invisible et le tangible, c’est donner corps à des intuitions, des tensions, des absences. Chaque création devient une tentative de mise en relation : entre l’idée et la matière, entre l’auteur et le spectateur. Car peut-être, au contact de ces formes, quelque chose pourra aussi éclore chez celui qui regarde.
En tant que designers, artistes et médiateurs, notre rôle est d’interroger le quotidien, d’interroger la norme, d’inventer des usages, de renouveler des imaginaires narratifs. Cette exposition est une invitation à ressentir, à s’ouvrir à l’inattendu. Elle cherche à créer des interstices, à faire naître des possibles. Éclosions sensibles n’est pas une conclusion : c’est une étape, un espace d’apparition et de parution.
Etudiants-exposants : Léa Béquet, Célestine Bel, Camille Blouin, Marie Desthomas, Adis Karac, Klara Kuchcakova, Tristan Le Dem, Alice L’hotte, Malena Martinez, Rym Meliha, Sophie Montet, Oula Al Chayb, Brice Barthez.
Sous la direction de : Catherine Chomarat-Ruiz, Sophie Fétro, Judith Michalet et Antonella Tufano.
Lieu : Galerie Michel Journiac 47 Rue des Bergers 75015 Paris
Date de l’exposition : du 24 juin au 27 juin
Vernissage : le jeudi 26 juin à 17h00
Oula ALCHAYB _ « Le design intérieur peut-il améliorer la santé mentale des réfugiés. Etude de cas du camp de Zaatari en Jordanie »
« CampCraft »
CampCraft est un projet innovant qui transforme les déchets plastiques, notamment les boîtes alimentaires distribuées dans les camps de réfugiés, en mobilier, objets utiles et œuvres d’art. Grâce à des outils simples et accessibles (hachoirs, fours domestiques), et dans une démarche open source, ce projet offre une solution écologique et sociale face à l’accumulation des déchets. Au-delà du recyclage, CampCraft crée un espace d’apprentissage, de créativité et d’émancipation pour les habitants des camps, leur donnant les moyens d’agir sur leur environnement.
Brice BARTHEZ _ « Design Bizarre. Un moyen de réenchanter le quotidien urbain »
« Le mobile enchanteur, une traduction sensible du design bizarre »
Ce mobile explore le pouvoir du bizarre comme vecteur d’enchantement diffus. En suspension, il déploie une présence poétique et ludique qui ouvre une brèche dans notre rapport à l’espace. Assemblé à partir de matériaux détournés, il célèbre le réemploi, le kitsch et l’imaginaire. Il prolonge une réflexion sur un design non utilitaire, mais sensoriel et critique, qui réveille notre capacité à nous émerveiller.
Léa BECQUET _ « D’un geste à l’autre : du trouble de la rotoscopie »
« Perceptions fluctuantes »
Ce projet de recherche-création explore la manière dont la rotoscopie peut traduire graphiquement des altérations de la perception visuelle, qu’elles soient pathologiques ou contextuelles. Chaque séquence, activée par un mutoscope, entre en dialogue avec une définition scientifique et un témoignage, proposant une lecture sensible et incarnée du trouble. Il ne s’agit pas de reconnaître un symptôme, mais d’éprouver les instabilités du regard.
Célestine BEL _ « Situer la scénographie, entre matérialité et spatialité. La scénographie d’exposition située : Le devenir écologique d’une pratique ? »
« Situer l’éphémère »
Comment créer une scénographie située dans le cas d’expositions éphémères ? Comme une sorte de mise en résonance face à ce que le mémoire veut argumenter, ce projet tente de partir de caractéristiques précises présentes dans divers lieux, afin de créer des dispositifs adaptables à ces différents espaces. L’idée n’est alors pas de prendre le contre-pied de ce qui a été dit mais bien de tester mes recherches au sein de ce projet-expérimentation. En effet, en partant d’une exposition photographique précise, qui serait alors itinérante, l’analyse de trois lieux aux caractéristiques différentes et aux contraintes variées permettrait de déterminer des structures simples et minimales pour scénographier l’exposition. Une triple scénographie avec la volonté de faire moins et surtout, avec le lieu.
Camille BLOUIN _ « Vers une conciliation. Le biodesign, au centre du conflit entre l’humain et la nature »
« Montre-moi que tu grandis / Territoire partagé »
Ces projets explorent comment le Zoedesign redéfinit les méthodes de conception tout en éveillant une curiosité pour l’environnement. Concevoir pour le vivant, c’est une méthode qui invite à ralentir, à apprendre à observer pour pouvoir mieux comprendre notre environnement, les êtres vivants qui composent chaque écosystèmes et leurs cycles. Ces projets invitent à porter un regard différent sur le vivant avec l’ambition de pouvoir améliorer les relations entre l’humain et les autres êtres vivants non-humains.
Marie DESTHOMAS _ « Scénographier la nature ; Éprouver le sublime »
« Un songe pour la forêt »
Mon projet initial de mémoire porte sur la création d’une scénographie pour le spectacle Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Dans le cadre du Master 2, nous avons l’opportunité d’exposer à la galerie Michel Journiac. Cette exposition m’amène à repenser ma démarche : en effet, les codes de la muséographie et de l’installation plastique diffèrent fortement de ceux de la scénographie théâtrale. Il m’est donc impossible de retranscrire une scénographie de scène dans son intégralité. Je choisis donc d’aborder cette exposition comme un prolongement sensible de mon projet scénographique. Mon objectif est de créer une sorte de mood board grandeur nature, en utilisant une portion du mur de la galerie. À travers cette installation, je souhaite transmettre les intentions plastiques et émotionnelles de ma scénographie à venir, en explorant la représentation du sublime et de la nature dans un langage visuel texturé et immersif.
Adis KARAC _ « Glissement. Vers un imaginaire distribué »
« dark nights & days bright »
Ce livre d’artiste, conçu comme un carnet de voyage poétique et réflexif, explore ce que devient l’imaginaire à l’ère de l’IA générative d’image. Là où la production visuelle tend à précéder ou court-circuiter l’imagination, ce projet opère un retournement : partir du souvenir, écrire pour en activer les résonances, puis générer par IA. Mais l’image produite ne coïncide jamais tout à fait avec l’image intérieure : elle déçoit, elle dérive, elle s’échappe. C’est dans ce décalage que surgit une puissance nouvelle — ni purement humaine, ni strictement machinique — une force d’imaginer distribuée. Par le dialogue entre texte et image, l’œuvre saisit ce moment instable où l’imaginaire se déplace : non plus centralisé, mais partagé dans un écosystème où les agents eux-mêmes se confondent.
Klára KUCHCAKOVA _ « + Béton mort – Ville vivante + »
« Matières endotopiques »
Quelle est la différence entre un espace occupé et un espace habité ? Comment habiter une architecture dépourvue d’identité ? Ces questions deviennent urgentes lorsque l’on étudie les quartiers d’immeubles standardisés en Europe de l’est, menacés par leur manque d’enracinement local. Le projet Pri Prameni démontre à travers une étude de cas concrète comment les matières endotopiques peuvent faire renaître une architecture dévitalisée telle que l’architecture standardisée soviétique. Ce quartier, d’apparence identique aux milliers d’autres dans cette région, nous fait découvrir sa richesse et sa singularité à travers l’étude de trois aspects de son identité : le site, les habitants et l’inattendu. C’est par ces prismes là que nous proposons trois possibles expressions de ces matières endoto- piques, subtilement cachées dans le quartier et dans les récits de ses habitants.
Tristan LE DEM _ « Identité et performance sociale : Un oxymore de soi mis en lumière par l’image !? »
« Le jeu de l’identité »
Dans un monde où chacun joue des rôles dictés par les normes, cette exposition explore les multiples visages de la
performance sociale à travers des médiums variés, photographie, édition, installation, en mêlant intimement l’intime et le politique. Certains projets expriment la confusion et la multiplicité de nos postures sociales. Un autre aborde le mal-être lié aux injonctions sociales : fatigue d’être constamment “performant”. Et d’autres montrent les stéréotypes imposés par la société, en
les tournant en dérision.Ces multiples projets sont chacun une porte d’entrée pour s’approprier le concept de performance sociale. Ils permettent d’apercevoir le jeu des identités. Ensemble, ils forment un écosystème visuel et narratif autour de la question d’être l’auteur de son identité. L’exposition invite à ralentir, à regarder, à se reconnaître ou à se questionner et peut-être (je l’espère) à commencer à jouer ses propres rôles autrement.
Alice L’HOTTE _ « Marcher, créer, relier. Carnets au féminin, éclats d’ancrage, regards et révoltes au coeur du vivant »
« Marcher en dedans »
Marcher en dedans est une installation immersive et sensorielle, conçue comme une invitation à ralentir, à éprouver autrement le monde et à se relier à son mouvement intérieur. Par les matières glanées, les textures à parcourir, les mots suspendus et les silences habités, le visiteur est convié à une expérience intime, douce et poétique. Ici, il n’y a rien à comprendre, seulement à traverser. Marcher devient un geste intérieur, une écriture du corps, une manière de résister doucement à la vitesse du monde.
Malena MARTINEZ _ « Design Industriel : Revendication et Authenticité »
« Liberté et Authenticité »
L’authenticité est fondamentale dans le design, tant celle du designer comme celle de l’individu. Le design ouvre ainsi l’opportunité d’une affirmation de soi. Les objets deviennent iconiques : des accessoires qui font exister l’individu, ils deviennent un reflet de la personne qui les porte, comme de la personne qui les a conçus. L’objet banal peut être porteur d’un message lorsqu’il est créé en tant que constat créatif. Ce projet est une ode aux designers visionnaires qui réfléchissent à l’importance authentique de l’objet, aux utilisateurs qui ont voulu rechercher une place authentique dans le monde en customisant des objets banals et à l’authenticité qui fait exister l’individu, lui donnant une signature personnelle dans un monde encombré par des créations.
Rym MELIHA _ « Imaginaires urbains et design social. Résistances et récits d’avenir »
« Onirapolis »
Ce projet explore les tensions, les désirs et les rêves qui traversent les territoires urbains. Elle s’articule en trois volets complémentaires. Une vidéo immersive qui donne à voir le ressenti de celles et ceux qui vivent en banlieue et s’y sentent enfermés. À travers un montage sensible, elle traduit une expérience intime et collective, le second volet Onirapolis est une plateforme numérique dédiée aux imaginaires urbains. Elle est créée afin de rassembler des imaginaires collectifs issus des acteurs de la ville. Organisée en rubriques, elle propose des ressources pour nourrir une réflexion collective et rendre le design social plus accessible. Enfin, une
rubrique du site est mise en avant à travers des traductions sensibles, des créations issues d’entretiens autour des villes rêvées,
qui donnent corps aux récits et aux désirs exprimés.
Sophie MONTET _ « L’écran comme miroir : imaginaire, réel et réflexion de soi chez Tim Burton »
« Reflets d’un monde sensible : forêt, miroir, son »
Forêt intérieure et Miroir intérieur prolongent une réflexion personnelle autour de trois motifs : la forêt, le miroir et le son. Portés par l’imaginaire, ces éléments, issus du cinéma des années 2000 et du monde contemporain, sont ici réinterprétés dans une écriture plastique singulière. Forêt intérieure est un diorama circulaire suspendu, activé par la lumière d’un smartphone. À travers quatre fenêtres, une forêt glisse du réalisme à l’abstraction, comme un paysage mental en mouvement. Miroir intérieur, œuvre sonore, met en scène un dialogue intime avec soi-même, où la voix devient résonance d’une conscience en construction. Ces deux pièces esquissent un monde intérieur, entre projection et perception de soi.