Textes écrits par les étudiants de la Licence 3 « Design, Arts, Médias » dans le cadre du cours « Médias et technologies » mené par Camille Bosqué.
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Article par Léa Boutteville et Marine Bruneteau
Fais-le toi-même :
Le hack intelligent et ludique
Ils sont artistes, street artistes, performeurs, bricoleurs, musiciens, adeptes de jouets vintages à démonter, et c’est leur façon de travailler et de penser le futur qui les réunit. Leurs maîtres-mots sont : tester, comprendre, apprendre, ré-apprendre, essayer, déconstruire, reconstruire, détruire, concevoir, créer. Tous s’inscrivent dans un même mouvement, dans un système d’échange et de partage, celui du hack.
Le hack c’est quoi ?
A dissocier du crack ou piratage, le hack s’apparente au « bidouillage » et se manifeste lors de manipulations libres et créatives sur différents matériaux. L’envie d’essayer pour réessayer à nouveau en apprenant de ses réussites mais aussi et surtout, de ses erreurs.
Fais-le toi-même !
Au cœur de la culture Geek, Arte Creative propose une web-série documentaire « Fais-le toi-même ! » concoctée par Adrien Pavillard et Camille Bosqué. Elle est articulée autour de 8 épisodes
verbes, qui sont autant de thématiques (Découvrir, Fabriquer, Enchanter, Sampler, Transformer, Partager, Résister, Imaginer). Chaque épisode est introduit par une séquence de rap, par l’artiste français Rocé. Avec ces courts films, nous sommes immergés dans le monde des makers et de leurs FabLabs, par la présentation de différents protagonistes de ce mouvement. On part à la découverte de leurs terrains de
jeu et leurs engagements, leurs usages du numérique et les détournements qu’ils en font.
À travers ces différents portraits, ils nous invitent à découvrir l’univers du hack, des makers qui partagent des ateliers, ou qui investissent la rue comme terrain de libre expression.
Nous rencontrons différentes personnes, comme Albertine Meunier, qui matérialise dans un livre papier les recherches qu’elle a effectuées sur Google. Nous découvrons également Antonin Fourneau, avec son Water Light Graffiti, Julien Dorra qui organise des Coding Goûters, Alex Webber le bricoleur ingénieux, ou encore Ezra le beatboxer et son gant interactif. Tous insistent sur une remise en question de la « propriété », pour favoriser la transmission, et nous proposent une nouvelle vision du numérique et du Web. C’est un nouveau rapport aux technologies en tous genres qui se dessine dans leurs propos, une autre façon de produire, d’imaginer, de construire, de transformer et de consommer. La créativité est rendue accessible à tous, en poussant plus loin le côté ludique. L’esprit d’invention et de découverte est ainsi mis à l’honneur. Elles sont des valeurs essentielles de l’activité créatrice.
Tout ceci révèle le souhait de la passion, du jeu, du plaisir, de l’échange et du partage en passant de l’idée à l’objet et, selon la formule d’une des personnes interviewées dans cette web-série, « passer du pixel au réel ». Le hack d’aujourd’hui revient à faire avant d’apprendre, pour essayer, créer et prendre du plaisir.
Les makers poussent plus loin leur réflexion et pensent également au design. Avec le code, ils ne sont pas limités dans leurs productions : ils peuvent créer librement et pensent les choses en grand. Aucune barrière ne les arrête. Ils sont toujours dans un échange de connaissances mutuelles.
« Je fais tout ce qui me passe par la tête, je ne cherche pas à vendre ces objets, je veux qu’ils existent. »
Apprendre ensemble, faire communauté
C’est au sein des makerspaces, de FabLabs et autres ateliers collectifs de fabrication et de partage que se
retrouvent ces créateurs ingénieux, autour de la culture de l’éternelle réinvention. Les FabLabs sont des lieux de partage de savoir-faire, ouverts à tous, avec des outils et des idées permettant la production d’œuvres à la fois ingénieuses et ludiques.
Ils y revendiquent avec détermination leur désaccord face à cette petite phrase, trop souvent entendue quand on est enfant : « surtout ne touche pas, tu vas casser ! ». Effectivement, tout au long de ces épisodes, cette nécessité de toucher est abordé. Il faut démonter, découvrir, ouvrir les différents objets pour assimiler le fonctionnement d’un système, mieux comprendre pour apprendre plus encore.
Pratiquer, casser, se tromper pour mieux recommencer.
Ces activités de création, avec la diffusion des technologies de fabrication numérique, accompagnent et encouragent de nouvelles formes de production qui se revendiquent comme libres et décentralisées.
Au sein de ces collectifs de rassemblement, règne une atmosphère festive, presque familiale, où nombre de créations et d’objets farfelus prennent vie. Apparaît alors une forme de magie où se produit un véritable système d’échange et d’innovation triangulaire, entre ce que donne la machine, ce qu’on lui donne et ce qu’on donne ensemble. L’homme et la machine ne font plus qu’un, ils lient une relation
intime et toute dissociation est effacée. C’est une coopération sensée et instinctive ! Ces inventeurs prônent une philosophie où l’erreur fait partie du processus d’apprentissage et de création, et où le partage de connaissances est encouragé.
La technique comme langage
À travers ces épisodes, la question de l’engagement est également abordée. Certains dénoncent des
abus, en révélant les systèmes par lesquels les géants du Web imposent leurs visions du monde. Ils imaginent des créations à la limite de l’absurde, comme la ballerine musicale connectée au réseau social Twitter(qui tourne sur elle-même quand le mot « ange » apparaît dans un post) conçue par Albertine Meunier.
De facto, pour ces inventeurs, un nouvel avenir doit se dessiner. Un avenir dans lequel l’industrie s’adapterait au développement de ces nouveaux réseaux, et pas seulement aux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), pour proposer des modes alternatifs de consommation et de production et pousser l’usage à prendre le dessus sur la propriété.
« Tu ne peux pas comprendre quelque chose sans le faire. »
Une idée pour changer le monde
Le hack, c’est passer d’une idée fulgurante à une œuvre, mais pas seulement. C’est aussi une manière de repenser le monde en générant un futur pour nos appareils contemporains face à l’obsolescence, qu’elle soit programmée ou non. Le hack questionne la réparabilité des objets tout en cherchant à savoir comment ils fonctionnent. Cette attitude part du principe que chacun est capable de générer des choses, de découvrir, d’essayer et de se réaproprier le monde sans avoir besoin d’être un « grand savant ». Dans un système de recyclage, le but n’est pas de faire du profit mais de recréer et renouveler ce qui est à notre disposition.
Tous guidés par une nouvelle façon de penser le futur, ces bricoleurs augmentés par les nouvelles technologies pratiquent la création par la destruction, la « décortication » et la réinvention. De l’inutile à l’authentique, leur intérêt premier est de faire bouger les choses, en passant par le hasard et l’erreur.
« Angelino » est une ballerine d’Albertine Meunier, qui s’anime dès que le mot «ange» est publié sur Twitter.
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Article par Margaux Deslandes et Valentine Touzet
À la découverte du TechShop Leroy Merlin
Kesako ?
Le TechShop d’Ivry-sur-Seine est un atelier collaboratif de fabrication qui veut permettre aux professionnels comme aux amateurs d’accéder à des machines et à des équipements professionnels. Pas moins de 34 formations sont proposées aux membres, qui peuvent s’essayer au travail du bois, du métal ou encore du textile et de la modélisation 3D.
Mathilde Berchon nous reçoit au TechShop un jeudi après-midi. Elle nous raconte son séjour à San Francisco il y a une petite dizaine d’années, et comment elle a atterri par hasard à une MakerFaire, événement de référence des makers. Elle y découvre alors un univers aussi créatif et farfelu qu’inspirant et nous parle de ces personnalités « un peu folles mais aux pieds sur terre » qui lui ont donné envie de rejoindre la communauté.
À l’époque, elle devient membre du TechShop de San Francisco et décide de diffuser le mouvement en écrivant des articles pour différents médias et en organisant des évènements en France. En 2013, elle publie chez Eyrolles le premier livre français sur l’impression 3D. Quand on lui propose de faire partie de l’équipe du premier TechShop de France, lancé avec Leroy Merlin, elle fait ses valises et revient en France.
La génération des makers, c’est une génération issue du Web, qui créé des choses physiques et ne s’en tient pas à des pixels sur des écrans. Quel ressenti nous a laissé la visite du TechShop Leroy Merlin, qui se veut partie prenante et acteur du mouvement maker ?
La grande promesse de TechShop
Au TechShop, on crée, on fabrique, on personnalise, on customise… Ce lieu promet d’être un atelier ouvert et chaleureux, comme « une usine à la maison. » L’idée est d’accueillir un large panel de makers, de l’étudiant au retraité. À TechShop, les gens réussissent à prendre confiance en eux pour créer des choses qui dépassent leur imagination. Souvent, certains arrivent à l’atelier sans avoir élaboré de projet précis. L’idée est aussi d’aider les autres et de pouvoir faire des rencontres. Des espaces de détente, comme la cuisine ou le petit salon au beau milieu de l’atelier sont aménagés pour favoriser les échanges entre membres.
TechShop promet aussi de pouvoir toucher à tout, mais pas à n’importe quoi ! Extrêmement bien équipé, les machines sont à la pointe de la technologie d’usine.
En se promenant sur les quelques 2000 m2 d’atelier, on découvre des machines aussi compliquées qu’improbables. Lors de la visite, Mathilde commence par nous faire découvrir le hub : un espace partagé et ouvert, avec de grandes tables. À cet étage de TechShop, on trouve l’espace de customisation avec une imprimante UV et un traceur, les fameuses découpeuses laser, un rotarytool (qui peut graver sur toutes les surfaces), une thermoformeuse ainsi qu’un espace dédié à l’impression 3D équipé de plusieurs machines présentant chacune leurs subtilités. Plus au fond, une pièce est réservée à la création textile : les membres viennent y utiliser la brodeuse numérique, des machines à coudre familiales et industrielles ou une imprimante pour coton avec « sublimation thermique ». Tout près, ce sont l’électronique et les objets connectés qui sont rois, en face de la salle informatique où des ordinateurs équipés de tous les logiciels nécessaires sont mis à disposition. Cela ne s’arrête pas là ! Au rez-de-chaussée de TechShop, on trouve les grosses machines : celles qui découpent, gravent et percent le bois et le métal. C’est Lemmy, la tour à métaux, Nikita, la fraiseuse, Pamela, la fameuse découpeuse à jet d’eau… On y trouve même un atelier dédié aux transports où fabriquer les vélos du futur !
La difficile question de l’accès à tous
Dès le début de la visite, on a le sentiment d’un atelier coupé en deux, à la manière des usines du début du XIXème siècle. En bas, c’est le travail du bois, du métal et la mécanique. Le jour de notre visite, les énormes machines, les planches de bois de deux mètres de haut et les tranchantes chutes de métal ne sont manipulées que par des (jeunes) hommes. À l’étage, en revanche, c’est plus mixte. Les machines, plus petites et moins impressionnantes, semblent pouvoir être manipulées par tous.
On s’interroge : est-ce vraiment un lieu qui démocratise la création ? Pour pouvoir créer il faudrait d’abord comprendre ! Le discours de Mathilde était parsemé d’obscurs termes techniques anglais qui nous ont souvent laissées perplexes : open source, crosstraining, woodshop, learning expedition… Les membres du TechShop, notamment les plus âgés, parviennent-ils réellement à ingérer ce langage 2.0 ?
Le coût de la démocratisation
Leroy Merlin est une société privée qui tente de trouver sa place au sein d’un mouvement maker qui se veut participatif et collaboratif, tant du point de vue humain que financier. Chez TechShop, on doit donc apporter ses propres consommables. Les plus généreux acceptent de partager leurs chutes de matières. Les membres ne sont-ils finalement pas rendus dépendants de cette initiative privée ? Le système d’abonnement reste accessible à ceux qui bénéficient d’un revenu stable et régulier, ce qui n’est, par exemple, pas le cas de la majorité des étudiants.
Devenir membre de cet atelier offre l’opportunité d’apprendre à utiliser des technologies auparavant réservées à l’industrie. Il y a un vrai effort de démocratisation des moyens de production dans le projet de TechShop, mais il a un coût. Néanmoins, cela satisfait la demande croissante de création manuelle, et de reconversion d’un très grand nombre de gens d’âges et d’horizons professionnels variés. Pour des étudiants au sortir d’écoles d’ingénieurs ou de design, s’abonner à TechShop peut s’inscrire dans un plan d’investissement sur le long terme pour le lancement d’un projet de vie.
Certains FabLabs français, qui s’appuient sur des systèmes économiques plus alternatifs, ont du mal à accepter que cette entreprise privée à but lucratif investisse le terrain du mouvement maker. Quand on lui pose la question de la place de TechShop au sein de la communauté internationale des FabLabs, Mathilde Berchon insiste plutôt sur leur volonté de s’inscrire dans ce mouvement par l’organisation, par exemple de la prochaine MakerFaire à Paris.
À l’écoute des anecdotes et des exemple de production réalisées par les membres de TechShop que Mathilde nous donne à propos de chaque machine, on ressent un vrai enthousiasme. Ce lieu, malgré son modèle économique assez classique, n’en reste pas moins un lieu de réalisation de rêves, à échelle humaine.
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Maureen Meral et Rebecca Barale _ Dessins de Julie Dancre
Des étudiants et une imprimante 3D
Une imprimante 3D… Quoi ?
L’impression 3D existe déjà depuis le milieu des années 80. Le père de cette invention est Charles Hull en 1986 avec un procédé que l’on n’appelait pas encore impression 3D, mais stéréolytographie. Le premier vrai modèle d’imprimante 3D est créé en 1988 : c’est la SLA-2502, qui fonctionne avec un procédé de superposition de fines tranches de matière. Elle était utilisée principalement par des entreprises pour des tests de prototypages. La première réalisation majeure de l’impression 3D est une prothèse médicale implantée sur un être humain, une avancée qui donne de nouvelles perspectives à la médecine. En 2005, l’imprimante 3D dite « autorépliquante » est disponible. La « RepRap » est le premier modèle qui initie le mouvement. Cela s’accompagne de la diffusion de fichiers et de documentation en open source, pour créer et améliorer les « RepRap » à des prix abordables. Les particuliers et les entreprises s’en emparent peu à peu, et contribuent à améliorer au fil du temps le principe des imprimantes 3D. L’entreprise MakerBot Industries, par exemple, donne maintenant accès aux particuliers à l’impression 3D avec un kit en DIY (Do It Yourself) qui n’est plus en open source mais qui contribue à diffuser cette technologie aux mains du grand public.
Les premières véritables utilisations de l’impression 3D ont été dans le domaine du design et de la médecine. En design, cela concerne tout ce qui est du domaine de l’industrie : outillages, prototypages, etc. Pour ce qui est de la médecine, il s’agit de prothèses auditives, d’orthodontie, d’implants, etc.
L’impression 3D : les avantages
L’impression 3D est plus économique que l’industrie, elle demande moins de main d’œuvre, car elle ne requiert ni d’outillage supplémentaire, ni assemblage. Elle permet surtout de passer d’une idée à un objet en 3D grâce à l’impression rapide. Parmi des exemples de créations industrielles de prototypage rapide par impression 3D, on trouve des éléments aussi variés que les pièces de la Twizy (une voiture citadine électrique de la marque Renault) ou des parties des chaussures F50Micoach de la marque Adidas.
L’impression 3D est aujourd’hui connue dans des domaines très divers comme l’impression alimentaire, la mode, les bijoux, le domaine artistique, les objets du quotidien, etc. Mais pour ces produits, il ne s’agit pas de l’impression 3D dite « à dépôt de fil chaud » telle qu’on la connaît dans les FabLabs, makerspaces et hackerspaces !
L’impression 3D est maintenant accessible aux particuliers, ce qui permet à des étudiants dans une université, comme nous, de travailler avec cette technologie. Pour créer des objets facilement, des fichiers d’éléments déjà modélisés et déjà codés sont accessibles sur internet. Mais pour ceux qui souhaitent aller plus loin, des logiciels 3D (comme Openscad) sont téléchargeables et permettent de créer, à l’aide du code, toutes sortes d’objets paramétrables.
L’impression 3D, par les perspectives qu’elle offre en terme de fabrication personnalisée et à la demande, remet en question notre manière de produire les objets et peut-être à long terme, notre manière de les consommer.
Les étudiants face à la RepRap
À plus petite échelle, en troisième année de licence Design Arts Médias à Paris 1 Sorbonne, les étudiants qui suivent le cours de « Médias et Technologies » avec Camille Bosqué ont eu la chance de découvrir une imprimante 3D, mais aussi d’en construire une, grâce aux notices de montage (en anglais !) que l’on peut trouver en ligne. Trois groupes d’élèves ont monté un modèle de RepRap, pendant une séance et demie.
« Nous aussi, on veut notre RepRap ! »
Un travail d’équipe s’est tout de suite mis en place. Autour de la table, chacun construit une petite partie de la RepRap, tout en suivant la notice. Des morceaux mécaniques complexes de la RepRap sont déjà montés et ont été créés en amont par une autre imprimante 3D : on reconnait ces pièces à leur couleur rouge, et à leur matière, l’ABS (Acrylomitrile Butadiène Styrène). C’est une matière thermoplastique qui est très résistante. Le plateau de la RepRap avait également été soudé au préalable.
La difficulté principale au début du montage a été de comprendre les références de chaque pièce sur la notice pour les reconnaître ensuite dans la réalité.
La construction ensuite s’est avérée plutôt facile et rapide ! Nous avons eu l’impression que ce travail était finalement accessible à un large public.
Le montage d’une imprimante 3D permet de mieux comprendre le fonctionnement technique de cette machine. Le plus important reste aussi d’avoir la satisfaction de créer sa propre imprimante. Et quelle chance quand on pense qu’on est ensuite capable d’imprimer soi-même des objets… qu’ils soient utiles ou non !
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Entretien réalisé par Antoine Tour, Cédric Pichegrain et Baptiste Bentivoglio
L’impression 3 : Entretien avec Mathilde Berchon et visite de Techshop
Le 1er février 2017 à Ivry-sur-Seine, visite de Techshop suivie d’une interview de Mathilde Berchon, auteure du livre L’impression 3D paru chez Eyrolles en 2014, également fondatrice de la plateforme makingsociety.com.
Installé sur une surface de plus de 2000m2, le Techshop d’Ivry-sur-Seine est le lieu pour les makers et autres bricoleurs d’Île-de-France. Après un tour de présentation d’environ une heure, nous avons rendez-vous avec Mathilde Berchon qui nous accueille en tant que manager afin d’évoquer le projet du lieu et quelques points sur l’impression 3D.
Développement durable
L3 DAM: Vous évoquiez dans votre livre la refonte des plastiques comme ressource pour imprimante 3D, quels sont les moyens mis en œuvre pour développer ces projets aujourd’hui ?
MB: Avec l’arrivée des premières imprimantes 3D, on a vu engendrer des tas objets ratés conçus avec une valeur de test. Le côté écologique n’était pas évident. De là, certains makers se sont penchés sur le problème et ont élaboré des machines visant à broyer ces plastiques, puis les refondre afin de créer un cercle vertueux. Encore peu fiables, ces projets ont vu naître des machines fonctionnant en annexe des imprimantes, donnant lieu à des matériaux de moindre qualité. D’autres solutions plus intéressantes ont vu le jour : Armor Group, par exemple, a développé des recharges à partir de déchets quotidiens.
L3 DAM: On parle beaucoup de l’impression 3D comme une solution écologique en terme d’alternative au modèle industriel – très polluant, notamment à cause de l’acheminement des produits.- Cette idée fait néanmoins fi de la grande consommation énergétique de ces machines et de leurs émanations polluantes. Quelles sont les avancées quant à la résolution de ces problèmes?
MB: En effet, aujourd’hui l’impression 3D se voit être utile dans un certain cas et il est vrai que le modèle privilégié reste celui de l’usinage traditionnel. Contrairement à d’autres moyens de production elle est plus lente et ne permet pas de produire massivement. En revanche, l’intérêt de l’impression 3D résiderait plutôt dans un rapport de production répondant à un besoin unique. Elle offre la possibilité d’être sur une autre dynamique, rompant avec la production de masse. Il s’agit, avec ces technologies, d’être dans une production à la demande. Plus besoin de produire en masse en Chine et affréter des conteneurs voués à être stockés. On peut maintenant envisager avoir un fichier – dématérialiser son objet – l’envoyer d’un bout à l’autre du monde jusqu’à une imprimante 3D qui vous produira la pièce dont vous avez besoin. Sur la question de la vitesse d’impression, en effet le problème demeure, mais différents acteurs du domaine travaillent actuellement sur le sujet afin d’y remédier.
Législation
L3 DAM: Aussi nouvelle que soit cette technologie, nous sommes aujourd’hui en capacité de constater les premiers travers de l’impression 3D : production d’armes à feu, de drogues… Compte tenu de l’accessibilité à ces technologies, quelles solutions envisager en matière de législation ?
MB: En échangeant avec tous les avocats que j’ai pu rencontrer à ce sujet, il semble que la législation existante couvre déjà la plupart des cas liés à l’impression 3D. Il est vrai que l’exemple des armes à feu a souvent tendance à ressortir. Or, globalement, il n’est pas tout à fait possible d’imprimer une arme avec les imprimantes disponibles sur le marché. Il est effectivement possible d’imprimer des pièces, de partager des fichiers, mais cela demeure du plastique et de façon effective, on se risquerait plutôt à voir la chose nous exploser au visage. Il conviendrait plutôt d’utiliser une impression en métal, mais à ce jour celles-ci ne sont pas accessibles aux particuliers. Et pour ce qui est des services d’impression 3D, ceux-ci ont tous mis en place des politiques de sécurité et d’ordre éthique.
Éducation
L3 DAM: La place de l’impression 3D se fait de plus en plus importante dans la sphère privée, tout comme dans la vie professionnelle d’un grand nombre d’individus. On commence à entendre de plus en plus d’établissements scolaires reconnaître s’être dotés d’une imprimante 3D ; que représente ce type d’établissement à l’échelle nationale ? Quelles sont les politiques mises en place à cet égard ? Et qu’advient-il des formations des enseignants sur ce point ?
MB: A présent l’Éducation Nationale est le plus gros acheteur d’imprimantes 3D sur le marché français. Pour ce qui est de l’arrivée de ces technologies dans les écoles, on constate souvent l’intérêt d’un enseignant au sein de celles-ci, qui particulièrement sensible à cette technologie décide de voir son établissement se doter d’une de ces machines. Il s’agit très généralement de professeurs qui cherchent la plupart du temps à réunir des fonds. Une imprimante 3D étant aujourd’hui abordable pour moins de huit cents euros, il est devenu relativement facile de s’en équiper. On constate également d’autres établissements qui décident parfois de mobiliser toute une salle afin d’en faire un mini FabLab à taille réduite.
Ces lieux sont alors gérés par les élèves eux-mêmes, ou par des enseignants. Dans certains cas récents, le constat a été fait de l’apparition de fabmanagers. Encore marginale, cette activité fait appel à des gens qui partagent généralement leur temps de travail hebdomadaire entre enseignement (ou autres professions) et fabmanager. La technologie, encore émergente, fonctionne dans les établissements français au cas par cas. Ceux-ci ne se trouvant pas sous le coup d’une directive sur ce point. On peut néanmoins s’apercevoir d’une certaine envie du gouvernement de pousser ce type d’initiative. A l’échelle communale, l’exemple de la mairie de Paris est probant sur la question. Celle-ci a notamment proposé le plan Paris, cité des makers, consistant à réunir les différents acteurs du milieu en vue d’inciter à la création de FabLabs dans chaque quartier. Ce qui me permet de vous faire part de l’événement Maker Faire qui se déroulera au mois de juin en collaboration avec la mairie de Paris.
Révolution Industrielle
L3 DAM: On parle de troisième révolution industrielle en évoquant l’impression 3D, peut-on véritablement imaginer un processus de désindustrialisation au profit d’une « industrie de quartier » ?
MB: Depuis ces six dernières années, un changement s’est opéré avec l’arrivée des imprimantes 3D de bureau. On aurait pu se figurer la prise d’une telle voie, mais hormis chez quelques passionnés croyant à cette idée, ce n’est pas vraiment l’usage qui se dessine, notamment à cause de la modélisation en 3D. La limitation de ces machines à certains matériaux est encore un autre aspect problématique. En outre, ici, l’impression 3D n’est pas l’outil le plus prisé. On a d’ailleurs pu constater un intérêt plus important chez des indépendants de domaines liés à la création – plutôt que chez des particuliers. L’usage est souvent lié à un besoin de prototypage. Ces machines s’adressent surtout à des entreprises innovantes ayant besoin de tester rapidement, ce qui leur permet de lancer leurs produits bien plus vite qu’avant. C’est en ce sens que l’on parle de troisième révolution industrielle.
Perspectives
L3 DAM: Peut-on estimer que ce marché en devenir va en faire évoluer d’autres?
MB: L’entrepreneuriat s’est vu directement touché, aujourd’hui on parle beaucoup du renouveau des start-up hardware. L’arrivée des imprimantes 3D a eu un rôle majeur, avant le prototypage demandait du temps, nécessitait de faire appel à des prestataires et coûtait cher. Maintenant on peut faire ces mêmes tests chez soi. A présent, on est sur de nouveaux modèles beaucoup plus agiles et rapides qui permettent de créer, de retransformer, sans être sur des productions de millions d’exemplaires à écouler. La demande est beaucoup plus ciblée et ponctuelle.
L3 DAM: Où en sommes nous en matière de bio-impression ?
MB: On commence à percevoir des projets, notamment autour de l’impression de cuir, qui permettrait de réduire l’utilisation de peau animale. On dénombre pas mal d’acteurs qui se penchent sur la création de cuir de synthèse. Si la recherche médicale utilise un peu l’impression 3D, on voit surtout son intérêt dans les créations de prothèses : les prothèses de hanches chez les personnes âgées (une des choses les plus imprimées en 3D), les jointures de hanches s’abîment et nécessitent une opération, la plupart de ces prothèses sont imprimées en 3D. Dans le domaine dentaire également, tout comme les prothèses auditives, et certains implants oculaires y sont fait une grande utilisation de l’impression 3D. Nécessitant des formes uniques et complexes, l’outil s’avère idéal.
Conclusion
Aujourd’hui, l’impression 3D est en concurrence avec des techniques plus anciennes comme le moulage ou bien l’usinage. Elle est plus économique puisque les pertes de matière sont limitées et parfois même plus performante pour certaines pièces en particulier, notamment dans l’aviation. C’est d’abord vrai pour les industriels. Ainsi l’offre des imprimantes 3D pour les particuliers peine encore à trouver un public qui verrait dans cette technologie plus qu’un simple gadget. Or le problème ne vient pas tant de la technologie proposée que des usages qu’il reste à inventer ou peut-être juste à découvrir. À cela, Techshop, et plus généralement les acteurs des mouvements makers et libristes, se positionnent en offrant la possibilité à tous d’appréhender l’impression 3D et la fabrication numérique en général, mais aussi en proposant aussi des événements, des ateliers, visant à penser l’utilité de cette technologie pour chaque utilisateur.
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Article de Julie Dancre et Zélie Jalbert
LE FACLAB / Un lab dans une fac ?
Le FacLab de Gennevilliers a vu le jour en mars 2012, à l’initiative d’Emmanuelle Roux et Laurent Ricard, tous deux enseignants en licence professionnelle et chefs d’entreprise. L’association naît d’une volonté de démocratiser les techniques et de promouvoir l’innovation par la créativité et l’échange. Hébergé dans les locaux de l’université de Cergy-Pontoise à Gennevilliers, l’espace est ouvert à tous, et l’accueil particulièrement chaleureux et convivial qu’on y reçoit fait écho aux valeurs du lieu ; celles de l’entraide et du partage. Le Lab est géré par une équipe de quatre personnes : deux fab-managers – ou « facilitateurs » -, le cofondateur, ainsi qu’une responsable administrative. Tous sont salariés à mi-temps et exercent une activité annexe de designer, artiste ou enseignant. Ils organisent et animent différents ateliers d’initiation aux logiciels et machines de façon hebdomadaire ou mensuelle.Grâce à la présence d’intervenants extérieurs, le lieu dispense également des diplômes universitaires pour les étudiants en formation continue ou les demandeurs d’emploi. Financées par la région Île-de-France, ces formations d’une durée de 3 semaines visent à développer les compétences de fabrication ou même plus largement, les MakerSpaces en France. Michelle, qui nous accueille, fait partie de la troisième session des diplômes universitaires. Elle travaille, dans le contexte du DU « initiation et fabrication numérique », sur la construction d’un petit théâtre. De la réalisation des décors aux personnages, ce projet permet de mettre en pratique les connaissances acquises au cours de la formation.
Apprendre, créer, partager
En entrant dans l’atelier, on trouve une table, deux bols, des billes. Celles-ci correspondent au nombre de visiteurs quotidiens du FacLab. C’est le moyen pour les administrateurs de mesurer la fréquentation et constater le succès croissant du lieu. On apprend quelques minutes plus tard qu’un compteur de billes numérique, plus ludique, est en développement, sous l’initiative du groupe “rouge”. L’espace d’accueil fait office de salle commune pour des réunions formelles et informelles. Au centre, une grande table à laquelle sont attablées quelques personnes, concentrées, qui échangent derrière leurs écrans d’ordinateur. Au mur, des formes, des notes, des schémas. Un grand canapé sert d’espace détente, encadré par une étagère recouverte de figurines, luminaires, réveils et autres projets développés au FacLab depuis cinq ans. Ordinateurs et imprimantes numériques (classiques & 3D) sont à la disposition des usagers sur les tables alignées le long des murs.
FacLab = bien commun
Michelle entame la visite en nous présentant le rôle de chaque pièce, en fonction des machines et des projets qui peuvent y être développés. La seconde salle, animée par quelques personnes, présente de longs plans de travail. On y trouve deux presses à imprimer mécaniques, un stock de tissus, des machines à coudre et des mannequins pour les projets de couture. Au fond, une découpeuse vinyle permet d’imprimer des pochoirs, des origamis ou des stickers plastifiés qu’on retrouve un peu partout dans les locaux. Une troisième pièce plus petite est réservée à l’usage de la découpeuse laser TROTEC. Celle-ci, très utilisée, sert à couper et graver des matériaux tels que le papier, les textiles, certains plastiques et bois de façon précise. Elle constitue une importante source de possibilités pour des travaux de types et de tailles extrêmement divers. Le FacLab bénéficie aujourd’hui de 300 m2. Récemment agrandi, il a pu acquérir des espaces complémentaires pour accueillir de nouvelles machines et projette d’investir l’extérieur pour y installer des ruches et un jardin collectif. Un 4ème espace héberge les outils et l’essentiel des machines à usiner telles que des scies, deux fraiseuses numériques ou encore une thermoformeuse artisanale, fabriquée par l’un des intervenants du FacLab.
/ Comment ça fonctionne ?
Nous rencontrons Laurent par la suite, la personne à l’initiative de l’espace. Il l’a donc fondé il y a 5 ans, par passion, sans formation particulière. Il se charge de payer les salaires, les machines et les remplacements. Chaque Fablab a ses problématiques, et celles du FacLab sont de rester ouvert et gratuit pour tous. Cela est en partie possible grâce à certains partenariats avec des entreprises (privatisation de locaux, formations, échanges de bons procédés), et de manière plus importante grâce aux formations continues qui sont dispensées. L’université permet aussi au FacLab d’occuper les locaux gratuitement, ce qui réduit considérablement les frais.
#jefaismapart
Ce cas unique de mise à disposition de matériel sans contrepartie financière est représentatif d’un modèle d’organisation fondé sur la contribution et le partage. Rien n’est facturé, mais on se doit de rendre service à l’organisation, de participer à son bon fonctionnement. On participe à l’aménagement, aux événements, on donne des cours, on apporte des consommables, on laisses ses chutes quand on a fini, etc. Et SURTOUT, on documente les projets !
DIWO = Do It With Other
Ce modèle contributif fonctionne sur le partage de ressources humaines, créatives et techniques. Certains démarrent un business, d’autres réalisent leurs projets personnels ou se forment aux machines… Quelle que soit l’intention, il y a toujours quelqu’un pour aider dans l’avancement d’un travail. L’auto-formation entre contributeurs participe à la création d’un système de connaissances et de compétences qui se transmet jusqu’aux enfants qui visitent le lieu. Le FacLab réunit tout type de personnes, toutes générations confondues. C’est un lieu où tout le monde peut venir, sans complexe, sans objectif particulier. On y va pour faire, et l’inspiration peut venir en s’imprégnant de la dynamique des personnes qui le fréquentent.
En moyenne, 25 à 40 personnes viennent chaque jour, et 485 personnes ont franchi les portes des ateliers le mois dernier.
Pour réunir tout le monde, une nocturne est organisée chaque mois. Autour d’une grande table ou devant la présentation des projets réalisés, c’est le moment de se retrouver, d’échanger dans une ambiance conviviale.
À vous de jouer !
On conseille donc aux curieux de réserver leur soirée le temps d’une nocturne et d’aller faire un tour à Gennevilliers !
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Article d’Asli Emek, Laura Mejía, Olarte Margaux Moussinet
L’impression 3D à l’échelle de l’architecture
Aujourd’hui, l’imprimante 3D n’est plus uniquement utilisée pour produire des objets, mais de plus en plus pour construire des architectures. Si dans ce domaine, l’action de l’imprimante 3D se limitait à l’impression des maquettes en phase de conception, certains ont exploité son potentiel pour la construction. Ce passage de la maquette au bâtiment final implique un changement d’échelle considérable, de l’échelle de l’objet à l’échelle humaine. Cette prouesse devient possible à partir d’une évolution technologique et de savoirs développés autour de l’imprimante 3D. Au-delà du changement d’échelle de ce qui est conçu, c’est la machine elle-même qui a tout d’abord changé de proportions. De plus, la machine permet d’imprimer du métal et du béton, et non plus que du plastique.
La place de l’architecte remise en cause ?
Château imprimé au Minnesota par un particulier
Imprimer un bâtiment en 3D remet en cause le rôle de l’architecte au sein de la conception. En effet, la machine nécessite l’intervention d’un ingénieur ou programmateur afin de transformer les dessins et plans de l’architecte en codes lisibles par la machine. Ainsi, une collaboration est requise entre l’architecte, qui conçoit l’esthétique du bâtiment, et l’ingénieur, qui rend le projet possible techniquement. Cette méthode de conception peut être mise en parallèle avec le travail de Frank Gehry. En effet, cet architecte conçoit librement ses projets à l’aide de maquettes et dessins, et ce sont d’autres protagonistes qui ont en charge d’en faire une architecture plausible.
Ainsi, concevoir une architecture qui vise à être imprimée en 3D nécessite de s’adapter à la machine dès la phase de conception du projet.
D’autre part, l’impression d’une architecture en 3D permet une création de formes plus libres, et permet de pallier des difficultés techniques de réalisation. Bien que la méthode de conception demeure, elle devient plus souple grâce à l’impression 3D.
Des projets anecdotiques ?
Il semble tentant de profiter de ce progrès technique pour laisser libre court à notre imagination. Par exemple, aux Etats-Unis, un particulier a imprimé un château en béton à échelle humaine. Bien que ce type de projet paraisse anecdotique, l’imprimante 3D semble offrir des applications architecturales plus proches de besoins réels.
En Russie, l’entreprise Apis Cor a réussi à imprimer dix maisons habitables en une journée avec une seule imprimante 3D. Cet exploit pourrait être notamment appliqué pour de forts besoins de logement (urgence après des catastrophes naturelles par exemple). En effet, l’impression 3D de maisons présente l’avantage d’être plus rapide et moins coûteux. De plus, l’architecture ainsi construite dure dans le temps et présente une résistance tout aussi importante que si elle avait été construite de manière traditionnelle.
Enfin, l’universalité du langage codé permet de démultiplier les constructions à partir d’un même code, et donc de produire à grande échelle. Cette méthode de conception semble être rentable. D’après l’entreprise Apis Cor, ce processus de construction, pour être rapide, efficace et de qualité, doit être intégralement délégué aux machines intelligentes.
L’homme remplacé par la machine 3D ?
Impression 3D d’un pont à Amsterdam par l’entreprise MX3D
Dans cette conception, la place de l’artisan constructeur semble également remise en cause. En effet, si l’imprimante 3D permet de réaliser certains projets sans que la vie des hommes ne soit en danger, elle peut cependant être source d’inquiétude vis-à-vis de la perte d’emplois.
Néanmoins, les exemples que nous avons étudiés font tout de même apparaitre l’intervention de l’Homme à un certain stade de la construction (pose de fenêtres, toit, plomberie, électricité etc.). De plus, la machine nécessite que l’homme la mette en fonctionnement, la répare, la surveille etc. Les machines étant des outils permettant d’accomplir les besoins des Hommes, l’évolution de l’architecture vers l’impression 3D crée de nouveaux postes de travail spécifiques à cette avancée technologique.
D’autre part, il est vrai que l’impression 3D est notamment plus rentable au détriment d’emplois supprimés. En effet, l’impression d’une maison est plus rapide qu’une construction par des ouvriers, et ne nécessite qu’une seule machine. Si l’imprimante 3D est en elle-même coûteuse, car il s’agit d’une des innovations technologiques les plus avancées, elle reste un investissement plus rentable que la construction traditionnelle. Peut-être deviendra-t-elle de plus en plus accessible dans les années à venir.
Quelles nouvelles perspectives pour l’architecture ?
Processus d’impression d’une maison par l’entreprise Apis Cor et son résultat
Grâce à ce progrès qui semble sans limites, l’entreprise Apis Cor a pour ambition de résoudre les problèmes d’hébergement dans le monde entier par le biais de cette méthode de construction révolutionnaire.
Néanmoins, il semble pertinent de se demander jusqu’où peut-on pousser les performances architecturales de l’imprimante 3D. En 2014, l’impression de maisons posait la question de l’éventuelle possibilité d’imprimer des bâtiments entiers ou des ponts. En 2015, une réponse à cette question fut en partie apportée avec la construction d’un pont en métal à Amsterdam par l’entreprise MX3D. La finesse des lignes de métal imprimées cache un potentiel de complexité des structures, et une résistance sans faille. La prochaine étape est-elle de construire à l’échelle d’un gratte-ciel ? Est-il possible d’imprimer avec des matériaux environnementalement durables ? Quelles sont les nouvelles perspectives et ambitions de ces constructeurs singuliers ?
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Article d’Enora Gourlaouen et Min-Hee Jung
L’impression 3D en médecine
L’impression 3D est une technologie qui connait déjà un certain succès dans de nombreux secteurs industriels tels que l’architecture, l’automobile ou encore l’aérospatial. Et c’est aussi une technologie à fort potentiel pour la médecine, avec des applications allant de la fabrication sur mesure de prothèses et orthèses à l’impression en 3D d’organes fonctionnels grâce à la bio impression. La bio-impression est une application biomédicale des procédés de fabrication additive permettant de produire artificiellement des tissus biologiques. C’est une innovation récente qui positionne simultanément des cellules vivantes et des biomatériaux couche par couche pour fabriquer des tissus vivants. Par rapport à l’impression 3D non biologique, la bio-impression 3D induit des niveaux de complexité supplémentaire, tels que le choix des matériaux, le type de cellules, les facteurs de croissance et de différenciation et les défis techniques liés aux sensibilités des cellules vivantes et à la construction des tissus. Les trois technologies de bio-impression 3D les plus répandues sont la technique d’impression par laser, la technique de la micro extrusion et la technologie jet d’encre. La bio impression 3D est actuellement expérimentée pour produire à la demande des cellules vivantes, telles que les os, le cartilage ou la peau. La fabrication d’organes via ce procédé est aussi à l’étude dans de nombreux laboratoires spécialisés. L’utilisation principale des organes imprimés est la transplantation. Des recherches sont actuellement menées sur des structures artificielles du cœur, des reins, du foie ainsi que sur d’autres organes majeurs. Pour les organes les plus complexes comme le cœur, des constructions plus petites telles que les valves cardiaques ont également fait l’objet de recherches. Certains organes imprimés ont déjà atteint la mise en œuvre clinique mais concernent principalement des structures creuses telles que la vessie ainsi que des structures vasculaires. Cependant la plupart des organes imprimés jusqu’ici ne sont pas fonctionnels ou survivent quelques jours. Actuellement environ 124 000 personnes attendent un don d’organe. En moyenne 21 personnes en attente de transplantation meurent chaque jour. La bio impression a le potentiel pour tout changer. Les programmes de modélisation ne sont pas encore assez puissants pour capturer la complexité d’un organe à un degré de finesse suffisant. Les scientifiques ont également des difficultés à créer des vaisseaux sanguins car ils sont longs, fins et tubulaires, ce qui les rend complexes à reproduire. Or les organes ont besoin d’artères, de veines, de capillaires pour recevoir le sang et donc les nutriments nécessaires à la vie qu’ils délivrent. Enfin la transplantation d’organes présente toujours un risque de rejet même lorsque le tissu est prélevé directement sur le corps du transplanté. L’organe a besoin de temps après la procédure pour s’intégrer complètement au corps. Cela va donc probablement prendre quelques décennies car les défis sont encore nombreux : technique, éthique, économique, réglementaire… Au-delà de ces applications potentielles, l’impression 3D permet déjà de fabriquer des prothèses ou orthèses entièrement réalisées sur mesure, à un prix abordable. Il est aussi possible d’imprimer en 3D des plâtres en plastique, légers et parfaitement adaptés au patient. La prothèse est destinée à reproduire ou à remplacer la forme ou l’aspect d’un membre ou d’un fragment de membre partiellement ou totalement altéré ou absent. La fabrication des prothèses par l’impression 3D se fait entièrement sur mesure. Les mesures, la forme et l’orientation seront déterminés par des ingénieurs et cela permet donc de créer des prothèses adaptées et personnalisées. Auparavant, les membres artificiels étaient très couteux et une partie seulement était prise en charge par l’assurance. Ce coût était très difficile à supporter pour la plupart des patients et certains devaient même se passer de prothèse, faute de moyen. Aujourd’hui l’imprimante 3D peut imprimer une main robotique et même un exosquelette. Cette technologie permet non seulement de baisser le prix grâce à l’utilisation des matériaux tel que le plastique mais aussi de rendre les prothèses plus légères. L’impression joue un rôle important dans les prothèses pour enfants. En raison de leur croissance, ces derniers doivent en effet changer régulièrement d’orthèses en fonction de leur taille. A ce titre, la fabrication additive permet de refaire leur prothèse à tout moment, avec la même qualité et en conservant les mêmes fonctionnalités. L’impression 3D révolutionne également le sport paralympique. En effet, pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, les plus grands athlètes de la planète sont réunis afin de s’affronter dans une trentaine de sports différents. Cette année, la compétitrice, Denise Schindler, ayant perdu sa jambe droite à l’âge de deux ans, est la toute première sportive à participer à la compétition avec une prothèse fabriquée grâce à l’impression 3D. Cette technologie a permis à son prothésiste d’améliorer rapidement et efficacement ses performances.
En matière d’orthèses, les orthopédistes sont confrontés à de nombreuses contraintes liées à la forme, la taille et la fonction de la prothèse propre à chaque personne. Non seulement les techniques traditionnelles (moulage, formage, modelage et fraisage) restent limitées dans la réalisation de structures complexes, mais le temps de production est également plus long et plus coûteux. La technologie 3D permet une personnalisation relativement facile pour le patient à partir d’un modèle de base et la production d’orthèses sur-mesure adaptées aux besoins particuliers de chaque patient.
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Article Mathilde Kozakowski et Flavie Demare
Une nouvelle façon de recycler grâce à l’imprimante 3D
L’impression 3D a 30 ans mais c’est pourtant depuis les années 2010 qu’elle connaît une progression spectaculaire. Les imprimantes 3D produisent surtout des objets en plastique et créent ainsi beaucoup de déchets polluants. La plupart des imprimantes 3D que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce utilisent principalement du plastique ABS dérivé du pétrole. De récentes innovations offrent aujourd’hui la possibilité d’imprimer en 3D de façon écologique et responsable. En effet, le développement durable et l’environnement rythment le quotidien des individus qui agissent actuellement dans une démarche écoresponsable et citoyenne. C’est pourquoi, les entreprises et les designers ont recours à l’utilisation de l’imprimante 3D que se soit pour inventer de nouveaux matériaux ou pour réutiliser et réemployer des objets devenus surannés. En utilisant l’imprimante 3D, ils s’insèrent dans une nouvelle dimension sociale, économique et environnementale.
Fabriquer de nouvelles matières premières
De nombreux filaments naturels ou fabriqués à partir de matériaux recyclés ont été développés pour respecter les contraintes environnementales et proposer des alternatives aux filaments plastiques : les coquilles d’huitre, le marc de café, la paille, mais aussi les algues. Deux démarches ont été mises en place, à savoir concevoir un nouveau matériau à partir de matériaux novateurs, ou bien, recycler des matières plastiques afin de fondre un nouveau filament à partir de déchets. Le Fabshop a donc lancé la création de l’impression 3D écologique à base d’algues, baptisé SeaWeed Filament. Il s’agit d’une première dans le monde de l’impression 3D, en collaboration avec Algopack. Conçu à base d’algues cultivées et récoltées en Bretagne, ces deux entreprises avaient pour ambition de révolutionner l’impression 3D. Ces plantes aquatiques représentent une biomasse inépuisable déjà utilisées dans de nombreux domaines comme la pharmacie ou l’agroalimentaire. C’est en parti de cette manière que l’on engage des nouvelles démarches écologiques qui permettent d’engendrer de nouveaux modes de production et une nouvelle ambition pour les citoyens. 85% du plastique produit dans le monde n’est pas recyclé. De récentes études informent des dégâts sur la vie marine de la pollution micro-plastique. Ainsi, la manière de réutiliser le plastique devient un enjeu primordial pour le devenir de l’environnement. C’est pourquoi, le projet Omnom présenté lors du Maker Faire New York propose une machine permettant de recycler toute sorte de plastique. Cette machine permet de recycler les emballages alimentaires, bouteilles d’eau, gobelets, et sacs plastiques. Les déchets plastiques sont d’abord broyés et transformés en granulés de plastique. Ces granulés sont ensuite chauffés et extrudés par la machine à recycler sous forme de filament. Le filament est alors enroulé autour d’une bobine pour pouvoir ensuite être utilisé sur une imprimante 3D. Entre les chutes de support d’impression, les objets imprimés en 3D ratés et tous les déchets du quotidien, c’est un énorme potentiel aussi bien bénéfique au consommateur qu’à l’environnement.
Donner une seconde vie aux objets du quotidien
La récupération et le réemploi sont aujourd’hui en plein essor. Et c’est grâce à l’imprimante 3D qui permet de réparer plutôt que de jeter. Ainsi, les individus ont la possibilité de remplacer une pièce cassée d’un objet pour l’utiliser de nouveau de la même manière. C’est une véritable révolution pour l’environnement, permettant de limiter les déchets et de consommer mieux. Cette démarche permet de remplacer des pièces d’objets, lorsqu’il n’est pas nécessaire de remplacer l’ensemble. C’est pourquoi, un jeune markerspace a tenté de réparer un violon. En raison de sa propre activité de réparateur d’objets usuels et rares, il avait du mal à accepter de laisser ce violon dans cet état. Mais il n’arrivait pas à se faire à l’idée qu’il faudrait obligatoirement utiliser des pièces de rechange de notre époque. Au fur et à mesure de ses recherches, il fut interpellé par un groupe d’étudiants hollandais qui avaient restauré des meubles anciens en remplaçant certaines parties manquantes par des pièces identiques, mais en plastique vert citron. C’est exemple lui confirma qu’il était convenable d’introduire des pièces récentes sur un objet ancien par la modélisation et l’impression 3D, si la forme respectait les lignes d’origine et si la couleur les distinguait des pièces historiques. Dans le même principe et pour lutter contre l’obsolescence programmée, Samuel N. Bernier propose une exploration moderne de l’upcycling avec l’imprimante 3D. Il a créé une poignée faisant partie du projet RE_ qui s’adapte à un classique européen : le pot de « Bonne Maman ». Le projet est ouvert à tous, il peut être téléchargé afin d’être réalisé par chacun et permettre de réutiliser ces pots, devenus inutiles, en objet du quotidien.
Développer une démarche environnementale
Finalement, de nombreux axes de gains écologiques liés au processus d’impression 3D par rapport aux procédés traditionnels existent. La fabrication locale de produits permet de réduire les distances de transport entre fabricants et consommateurs, et donc la pollution associée. La réduction du nombre moyen de pièces par produit permet de simplifier les chaines logistiques ce qui implique moins de transport et moins de gaspillage. L’impression 3D peut également permettre de rallonger la vie de certains produits. En donnant aux consommateurs la possibilité d’imprimer des objets sur-mesure, ils peuvent ainsi donner un nouveau souffle à des objets qu’ils auraient normalement jetés, faute d’usage. Les consommateurs peuvent réparer un objet cassé grâce à leur imprimante 3D, en imprimant une pièce de rechange téléchargée sur Internet ou en réimprimant soit même une partie d’un objet cassé. L’imprimante 3D a donc pour objectif futur de changer les modes de consommation, permettre des économies dans les foyers, avoir un impact sur l’environnement et accentuer la richesse locale. Même si ce sont des machines relativement énergivores, la technologie actuelle est amenée à évoluer rapidement et donc à s’améliorer.
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Article de Joanna Guardona
L’impression 3D peut-elle révolutionner l’industrie ?
On appelle impression 3D (ou tridimensionnelle) une méthode de fabrication qui consiste à créer des pièces en volume par ajout ou agglomération de matières par dépôt de couches successives extrêmement fines. On appelle aussi ce procédé fabrication additive. C’est une technologie récente apparue au début des années 2000 qui a connu un essor considérable depuis ces dix dernières années. L’impression 3D permet d’obtenir un objet réel et définitif en une seule fois, directement à partir d’un fichier informatique. Le concepteur crée l’objet en 3D à partir d’un logiciel de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) qui découpe l’objet en couches de matières successives. On envoie ensuite le fichier à l’imprimante qui dépose et solidifie la matière couches par couches et on obtient l’objet fini. Il existe différents types d’impression 3D : la photopolymérisation par laser, le collage/découpage de plaques, le dépôt de poudre métallique, le frittage par laser, l’extrusion de matières…
L’impression 3D peut s’utiliser dans de nombreux domaines. A ses débuts, on l’utilisait surtout pour du prototypage (maquettes etc…) en architecture ou en design. On l’a ensuite utilisée pour réaliser des appareillages dans le domaine médical, pour fabriquer des prothèses par exemple. Aujourd’hui, elle s’est étendue aux secteurs industriels tels que la fabrication de pièces automobiles, d’avions ou de biens de consommation courante. L’impression 3D commence aussi à s’étendre au grand public. En effet, on en parle beaucoup dans les médias et c’est un sujet qui séduit les consommateurs. Idéalement, on voudrait que l’imprimante 3D se démocratise et que chacun puisse imprimer ses propres objets chez lui. Ce n’est pas encore le cas, mais son utilisation commence à se développer, notamment avec l’ouverture de « Fablab » ou d’ateliers d’impression 3D qui possèdent ces machines et où chacun peut se rendre pour concevoir et imprimer son objet en 3D. On peut donc se demander si l’impression 3D peut révolutionner le monde de l’industrie ?
Les imprimantes 3D des particuliers n’ont rien à voir avec celles des industriels qui sont beaucoup plus performantes. De nos jours, de grands groupes tels que Peugeot, Airbus, Safran, ont commencé à utiliser ces machines dans leurs usines. C’est pourquoi on peut aujourd’hui inclure des pièces imprimées en 3D dans des avions, fusées voitures… Les applications à grande échelle de cette nouvelle technique de production a révolutionné un grand nombre d’industries. En effet, on peut aujourd’hui élaborer des produits à la demande, dans un nombre très important de matières, à savoir la plupart des métaux, des plastiques, des céramiques… De plus, ces pièces ont souvent des propriétés supérieures à celles produites par l’industrie traditionnelle : elles sont très résistantes et les finitions sont de grande qualité.
On peut donc dire que d’un certain point de vue, l’impression 3D est une révolution car il n’est plus nécessaire de produire des objets en très grande série dans des grandes usines où on va fabriquer des objets identiques pour baisser le coût. En effet, l’impression 3D permet de fabriquer à la demande. Par conséquent, il n’est plus nécessaire de faire des stocks et de produire des objets en grande quantité, ni de délocaliser la fabrication dans des pays à main d’œuvre à bas coût. Dans le futur, avec l’impression 3D, on pourrait désormais envisager une production locale dans notre propre pays. Le coût serait moindre et les performances supérieures.
De plus, l’impression 3D offre un gain de temps considérable aux industriels qui peuvent, grâce à elle, réaliser des prototypages rapides, par exemple dans le domaine de l’automobile qui est un secteur très concurrentiel.
Elle offre aussi l’avantage de pouvoir créer des objets sur-mesure. Nous pouvons prendre l’exemple de la prothèse auditive. En effet, il est plus facile d’ imprimer les prothèses adaptées à leur porteurs que de les fabriquer à la main par des techniques de moulage qui sont plus lentes et moins efficaces. Aujourd’hui, presque 100% des prothèses auditives sont fabriquées en impression 3D. C’est une révolution considérable qui le sera aussi bientôt pour d’autres applications médicales.
Toutefois, malgré les nombreux avantages offerts par l’impression 3D, on se heurte à deux problèmes principaux qui sont le temps d’impression et le prix. En effet, il faut environ un dizaine d’heures pur imprimer une pièce de grande taille, c’est pourquoi il est impossible d’envisager une production en série par ce procédé. De plus, le prix des équipements est extrêmement élevé.
Aujourd’hui, le modèle de l’usine traditionnelle qui produit des pièces en grande quantité est toujours bien présent, surtout pour les pièces à faible valeur ajoutée. Par contre dans les industries de pointe (aéronautique, médicale mais aussi du luxe ou encore du design), ainsi que le sur-mesure, l’industrie de l’impression 3D est déjà compétitive. Bientôt l’aéronautique aura des pièces imprimées en 3D plastique ou métal intégrées dans les avions.
Dans un futur proche, on voudrait que chacun puisse imprimer son propre objet personnalisé à la maison, mais cela reste pour l’instant encore une utopie. En effet l’usage domestique de l’imprimante 3D reste encore très limité à cause de son prix qui reste très élevé, ainsi que par la difficulté de mise en œuvre qui requiert des connaissances techniques solides des logiciels et de la machine que tout le monde ne possède pas.